Résumés des interventions

Par ordre alphabétique

 

ALVAREZ Aurélien, enseignant-chercheur à l’université d’Orléans

Les images, un outil parmi d’autres pour les mathématiciens

Les livres de mathématiques contiennent en général de nombreuses illustrations, même si à certaines époques ou chez certains auteurs, on se fait un point d’honneur à ce qu’il n’y en ait aucune ! Certaines branches des mathématiques se prêtent bien aux dessins et l’on sait, au moins depuis Descartes, que « la géométrie est l’art de raisonner juste sur des figures fausses ». Souvent donc, un dessin vaut mieux qu’un long discours pour faire passer une idée. L’arrivée des ordinateurs a permis aux amateurs enthousiastes de se lancer eux-aussi dans l’aventure, et l’on n’hésite pas à parler aujourd’hui d’art fractal pour ne citer que cet exemple emblématique. Les images sont également un excellent vecteur de communication et un très bon support pour l’enseignement : à titre d’exemple, nous montrerons quelques extraits des films Dimensions et Chaos, que l’on trouve facilement sur le web. Enfin les images numériques sont également un outil au service des mathématiciens pour leurs propres travaux de recherche, notamment lorsque celles-ci suggèrent que tel fait mathématique plutôt que tel autre semble être vrai : on a alors là une piste pour ensuite essayer de démontrer le bon théorème !
La chaîne Youtube d’Aurélien Alvarez : https://www.youtube.com/c/aurelienalvarez

 

BERNARD Jean-François, directeur de l’UMS ARCHEOVISION, Bordeaux

Histoire ancienne et nouvelles images : des traditions archéologiques aux innovations technologiques

À la fin des années 80, des logiciels utilisés par EdF pour modéliser ses installations nucléaires ont été dévoyés pour représenter en 3D un des plus fameux monuments antiques : le temple de Karnak. L’équipe que dirigeait alors R. Vergnieux est aujourd’hui le laboratoire Archéovision qui se consacre depuis près de 25 ans à l’exploration de l’imagerie 3D appliquée aux domaines de l’archéologie et du patrimoine.

 

BRAHIC André, professeur à l’Université Paris Diderot et au Commissariat à l’Énergie Atomique (C.E.A.) à Saclay

Images en astronomie : illusion ou réalité ?

Les astronomes essayent de comprendre à quoi ressemblent les astres qui peuplent l’Univers. Ils imaginent ce qu’ils verraient s’ils pouvaient aller sur place ou bien ils développent des modèles mathématiques et visualisent les résultats. En plus, ils utilisent souvent les « fausses couleurs ». L’exploration du système solaire par les sondes spatiales et l’observation de l’Univers dans toutes les longueurs d’onde nous ont révélé des mondes souvent bien différents de ce qui avait été imaginé initialement. Mais cet aller et retour permanent entre les prédictions théoriques et les observations est essentiel pour progresser.

 

FAVARD Maxime et BERTRAND Gwenaëlle, Laboratoire ACCRA, Faculté des Arts, Université de Strasbourg

Des images numériques aux projets de sociétés

La fiction en design peut-t-elle amener à interroger les constructions sociétales ? Et de ce fait, comment le récit fictionnel devient-il un enjeu d’émancipation ? Engager ainsi un projet par les imageries numériques serait semblable à « faire un pas de côté » afin de dépasser les dogmes fonctionnalistes et matérialistes. Cette attitude du designer invoquerait le projet de design comme modèle réflexif, libéré des marasmes qui incombent jusqu’alors à sa prérogative de répondre à un besoin effectif. Décomplexé de l’idée toute faite de sa mission, le designer ambitionnerait des perspectives plus grandes, plus osées et plus critiques. Les usages des images de synthèse deviendraient alors le théâtre d’un renversement susceptible de révéler l’inquiétude d’un présent parfois trop univoque. Afin d’illustrer les propos, des projets du cabinet d’architecture R&Sie(n), et des designers A.-D. Ginsberg, T. Revell ou encore C. v. Heerden et J. Mama, pour ne citer qu’eux, seront abordés.

 

FERJOUX Céline, UDPN, Sorbonne Paris Cité / CARISM, IFP

Entre jeu-vidéo, incrustation et vidéoprojection live : le divertissement télévisuel augmenté (Danse avec les stars)

Pour rendre compte des relations entre l’informatique et les images médiatiques, il est possible d’examiner la situation particulière du dialogue esthétique qui s’instaure dans l’univers graphique d’une émission de télévision. « Danse avec les Stars » est la déclinaison française du format britannique « Strictly Come Dancing » diffusé pour la première fois en 2004. Depuis 11 ans, l’univers de l’émission créée par la BBC a été étendu, enrichi et vendu dans plus de 50 pays. Le format se décline sur tous les écrans, lors des émissions diffusées en direct mais aussi sur les médias sociaux, les smartphones et les consoles de jeux.

Une analyse de la circulation des différents types d’images numériques à l’intérieur du format nous permet d’interroger le dialogue entre les images télévisuelles (filmées en direct) et les interfaces du jeu vidéo. Nous montrerons comment ces images façonnent une expérience visuelle sophistiquée. Et nous questionnerons le rapport qu’elles entretiennent avec les techniques de production informatisées et l’évolution des images animées.

 

FISCHER Hervé, président de la FIAM, Montréal, Québec

« Le nouveau livre des merveilles de Marco Polo », un roman télématique francophone en 1984

J’ai coordonné à partir du Québec en 1984 la réalisation d’un roman télématique écrit collectivement par huit écrivains francophones sous la houlette d’Italo Calvino et Umberto Eco, avec le fameux Macintosh 512K, qui venait être lancé. Il n’avait pas encore de disque dur, mais fonctionnait avec de petites disquettes bleues dans un lecteur externe. Herménégilde Chiasson, du Nouveau Brunswick, avait accepté d’illustrer quotidiennement les textes de ces dix jours d’aventure. De magnifiques dessins en noir et blanc, exploitant créativement les épaisseurs variables de trait de crayon électronique et la diversité des formes et des trames visuelles offertes par le MacPaint, encore fort limitées, dans une poésie étonnante, entre bande dessinée et surréalisme. Les textes des écrivains, sur MacWriter, aussi bien que ces dessins étaient échangés chaque jour par modem et téléphone entre l’Europe, l‘Afrique et le Canada.

 

GARCIA Miguel, Patricia Wils, Antoine Balzeau, Gaël Clément, Didier Geffard-Kuriyama, Muséum national d’Histoire naturelle, Paris

Le Plateau Technique AST-RX du Muséum national d’Histoire naturelle : la numérisation par tomographie à rayons X des objets des sciences naturelles

A l’heure actuelle, les techniques d’imagerie et plus concrètement la numérisation volumique, par tomographie axiale à rayons X, sont devenues incontournables dans les sciences fondamentales telles que la paléontologie ou la paléoanthropologie,  ainsi que dans d’autres disciplines des sciences naturelles comme la minéralogie, l’entomologie, l’étude des environnements marins ou l’anatomie comparée. Lorsque l’on parle d’image scientifique, il est donc aujourd’hui possible d’ajouter de facto l’imagerie à des sources plus classiques comme la photographie ou le dessin scientifique.

Le Muséum national d’Histoire naturelle compte au sein du plateau technique AST-RX (accès scientifique à la tomographie à rayons X) une des installations de micro-tomographie et nano-tomographie les plus performantes dans le monde des sciences naturelles.

Notre intervention s’articulera autour de deux axes : un panorama de liens passés, présents et futurs entre techniques classiques et numériques de l’image scientifique en sciences naturelles (D. G.-Kuriyama) et une présentation visuelle et commentée de résultats emblématiques des projets de recherche développés au sein du plateau technique AST-RX (M. Garcia Sanz).

 

GARROUSTE Romain, Institut de SYstématique Evolution Biodiversité (ISYEB), UMR 7205 MNHN/CNRS/UPMC/EPHE, Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), et Camille Garrouste, artiste numérique, Paris

De la 2D à la 3D dans l’imagerie des sciences naturelles et la paléontologie aujourd’hui : méthodes, attentes et futurs. L’exemple des insectes fossiles

Nous proposons un état des lieux dans les méthodes et la pratique de l’imagerie 3D en sciences naturelles et principalement en paléontologie, qui se développe actuellement, après l’exploration des méthodes 2D. L’exemple des insectes fossiles, populaire avec les insectes géants du Carbonifère et les inclusions dans l’ambre revisitées grâce à la tomographie X issue de la lumière synchrotron ou de CT Scan sera développé. L’évolution de ces techniques sera envisagée avec les possibilités issues des nouvelles microscopies optiques (microscopies confocales laser, de fluorescence, OCT, et 4D) nous discuterons de l’interaction entre sciences, communication et vulgarisation qui sont permises avec ces techniques à la fois visuelles et analytiques, constituant de nouvelles perspectives en matière de base de données et de collections, véritable science virtuelle. L’une des applications réside dans l’impression 3D de modèles pour la diffusion des connaissances, comme la muséologie, qui représente une interaction entre sciences et art pour l’interprétation des divers rendus réalistes ou interprétés (notamment en paléontologie). L’un des exemples présentés lors de cette communication (modèle 3D et impression numérique en taille réelle) avec un modèle 3D original de la libellule géante Meganeura (75cm d’envergure) qui constitue l’un des fleurons de la collection d’insectes fossiles du MNHN et qui fait partie de l’histoire des sciences pour cette discipline.

 

GOFFIN Pascal, Inria, Aviz ; Wesley Willett, University of Calgary ; Petra Isenberg, Inria, Aviz ; Jean-Daniel Fekete, Inria, Aviz ; www.aviz.fr

Enrichir le mot écrit – Intégrer texte et données avec les Word-scale Visualisations

Ajouter des éléments graphiques à du texte n’est pas nouveau : dans les hiéroglyphes, le nom des pharaons était encadré, les manuscrits anciens étaient généralement ornés et enluminés, et utilisaient une multitude d’abréviations graphiques. Plus tard, avec l’imprimerie, des éléments graphiques ont continués à exister mais en moins grand nombre, tels les filets pour séparer des parties de texte. Le nombre de symboles et de formes utilisés en typographie traditionnelle est devenu conséquent, mais limité dans ses variations.

Avec l’apparition de l’ordinateur on pouvait espérer voir se libérer la création de variations graphiques dans le texte. Hélas, cela n’est arrivé qu’avec parcimonie. De nouvelles formes graphiques sont apparues comme les émojis, mais peu d’objets plus dynamiques de la taille d’un mot, comme par exemple les Sparklines de Edward Tufte. Nous proposons les visualisations-mots (Word-Scale Visualizations) qui aident à intégrer des données quantitatives dans le texte en utilisant des visualisations. Ces visualisations-mots offrent différents codages visuels et une grande variété de dimensions toujours proche de l’échelle d’un mot, parfois plus grande, mais toujours plus petites qu’une phrase ou un paragraphe. Utilisées sur un écran, des interactions appliquées à ces visualisations-mots permettent notamment de faire apparaître plus ou moins de détails dans les données visualisées. Les variations des visualisations-mots ne sont limitées que par l’imagination. Dans cette présentation nous allons remettre les visualisations-mots dans le contexte historique de la typographie et de la visualisation, et montrer leurs possibilités interactives dans le texte.

 

JACOBS Bidhan, Docteur en études cinématographiques, Université Paris 3

Du traitement à l’expérimentation du signal

Nous appréhendons les images et le son numériques sous l’angle du signal et sous deux formes :

– codifié par de multiples traitements et lisible par les machines seules,

– ou visualisé par les terminaux (ordinateurs, tablettes, smartphones).

Nous proposons de voir comment les artistes au XXIe siècle détournent les traitements du signal pour en développer des techniques d’expérimentation très fertiles dans les films, installations et performances.

 

JOAQUINA JIMENEZ Ana, Physics of the Cytoskeleton and Morphogenesis – UPCV/iRTSV/DSV/CEA, Paris

Les images numériques, des outils de représentation et de réflexion en Biologie: exemple du logiciel Cytosim

Quand on présente une histoire ou un concept sous forme d’image, on pense toujours à attirer l’attention de notre interlocuteur, à lui présenter les choses de façon plus abordables. Cependant nous pensons rarement à l’image comme à un outil pour aller vers la complexité et la comprendre.

Les cellules sont des systèmes très complexes, en mouvement constant, ou des milliers d’éléments interagissent mais arrivent pourtant à maintenir un équilibre, une intégrité de la cellule. Parmi ces éléments, certains composent le cytosquelette, sorte de squelette interne de la cellule, conformé de différents types de fibres qui lui confèrent sa forme (surtout le cytosquelette d’actine), et organisent ses éléments (surtout le cytosquelette de microtubules).

Comme la biophysique s’est développée en même temps que les images numériques, elle a largement fait appel à ces dernières pour étudier et représenter les différents sous-ensembles du cytosquelette. Cependant, leur représentation reste difficile: bien que chacun d’entre eux ait des fonctions prépondérantes, ils s’influencent les uns les autres et sont très dynamiques. Ainsi, il est déjà difficile de se représenter comment quelques fibres avec des formes et des dynamiques différentes peuvent interagir. Imaginez cela avec une centaine de fibres de chaque type !

Pour montrer comment les images numériques permettent aujourd’hui d’aborder cette complexité à travers la simulation, nous allons présenter l’exemple de Cytosim. Il s’agit d’un logiciel destiné à simuler les interactions entre des fibres dotées de propriétés différentes, ainsi qu’avec d’autres éléments dans la cellule. Cytosim permet d’observer en temps réel l’évolution de ce genre de système et constitue un outil extrêmement puissant pour réfléchir sur l’organisation intracellulaire. Ainsi nous pourrons voir, par exemple, comment des fibres trop stables vont très vite prendre trop de place dans la cellule, bloquer le système et piéger les éléments de la cellule. Ou comment des fibres trop instables n’auront aucune influence car trop éphémères. Avec ces observations in silico nous pouvons déterminer les caractéristiques des éléments cellulaires les plus importants à étudier in vivo, gagnant ainsi un temps précieux.

 

LEBTAHI Yannick, maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication, GERIICO-Université de Lille3

Le chant des étoiles : le paradoxe de la création numérique au tournant des années 1980

Président de la Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal en 1987, Hervé Fischer a eu (entre autres) pour mission de produire une courte vidéo, Le chant des étoiles, d’une durée de 12 minutes, en images de synthèse, et cela dans le cadre du Forum international de la Francophonie se tenant à Montréal la même année.

Cette production a obtenu le premier Prix de la National Computer Graphics Association (USA), catégorie musique vidéo, en 1988.

C’est dans une perspective réflexive que je me propose de revenir sur ce document d’archives Le chant des étoiles et de comprendre ce que recouvre le paradoxe formulé par Hervé Fischer au cours d’une lecture critique de celui-ci : Les images futuristes de l’époque datent ! Plus c’est futuriste, plus ça vieillit vite.

Trace d’une mémoire numérique, il s’agira de montrer en quoi cette œuvre s’inscrit dans l’histoire des arts numériques et de mettre en lumière les grandes lignes de ses filiations actuelles, tant sur le plan technique que sur celui de l’esthétique. Étudier l’objet et en révéler la dimension cachée ou identifier ce qui ne fait plus sens sera un des fils conducteurs de ma communication.

 

MEYER Michaël, UNIL | Université de Lausanne

De la fabrication de l’image à la fabrication de la preuve (par l’image) : modélisation 3D et stratégies de visualisation dans l’investigation criminelle

Parmi les domaines d’application des images numériques, les champs policiers et judiciaires n’ont pas manqué d’investir le potentiel des outils de visualisation. Les avancées technologiques permettent aujourd’hui à l’enquête policière de bénéficier de capacités accrues pour le traitement des images issues par exemple de la vidéosurveillance et des caméras embarquées. Au cours du processus pénal, les images numériques se voient alors conférées un rôle de documentation et un statut juridique de « preuve ». La construction de cette preuve par l’image numérique est aujourd’hui consolidée par le domaine de l’« informatique légale », chargée de la récolte, de l’enregistrement, de l’analyse et de la visualisation des preuves numériques.

Cette communication propose de se concentrer sur une catégorie d’images numériques mises au service de l’enquête policière : les reconstitutions tridimensionnelles numériques de scènes d’accidents ou de meurtres. Il s’agira d’adresser spécifiquement une interrogation sur les facteurs organisationnels, pratiques, mais aussi imaginaires, qui entourent la production, l’utilisation et la diffusion d’images tridimensionnelles comme preuve dans le cours de l’investigation criminalistique.

 

MINH Yann, artiste, Paris

L’image numérique, le rêve d’un mème égoïste (autour du NooMusem)

Il a existé une population d’images numériques qui se sont rêvées elles-mêmes sous forme analogique avant d’être numériques. Telle une prophétie autoréalisatrice similaire à la fameuse loi de Moore, par un phénomène de double feed­back, l’esthétique sommaire et balbutiante des premiers dispositifs informatiques a généré un espace imaginaire et esthétique qui, par rétroaction culturelle, a orienté la recherche et le développement des outils de création numériques.

En même temps que les premiers ordinateurs produisaient de véritables images de synthèse très pixellisées, ou filaires, ils généraient des canons et archétypes esthétiques spécifiques qui, tel des mèmes virulents, ont contaminé les champs esthétiques et lexicaux de nos fictions cinématographiques, littéraires, graphiques, télévisuelles…

Le support de présentation public, en conférence de cette réflexion se fera au travers du dispositif immersif 3D temps réel du NøøMuseum. (http://noomuseum.net)

 

PEREZ MOLINA Eduardo, Centro de Tecnologia Biomedica-Universidad Politecnica de Madrid

La naissance de la génération d’images par ordinateur vue par les brevets

Cette présentation concerne les premières années de la génération d’images par ordinateur. J’ai utilisé l’information des brevets par sa richesse et par sa nature structurée. En analysant les brevets des années 50 et 60 dans ce domaine technique, j’esquisse la naissance de la génération d’images par ordinateur en tant que domaine technique, je présente les problèmes qu’on essayait de résoudre et les solutions trouvées, aussi bien que l’influence de certaines technologies, telles que les techniques de radar, l’instrumentation embarquée dans les aéronefs, la CAO (conception assistée par ordinateur) et la tomographie. Finalement, j’ai sélectionné quelques brevets spécialement intéressants pour comprendre les techniques de synthèse d’images à venir.

 

TRON Colette, auteur, directrice artistique d’Alphabetville, laboratoire des écritures, Marseille

Webcams : regard augmenté ou vide optique ? Réalités et fictions à l’œuvre. Appareils de vision et fabrications du point de vue avec les technologies numériques et par le réseau mondial

Apprendre à voir est affaire de décryptage. Codes, mais aussi techniques de représentations, informent notre vision, et forment notre point de vue.

Qu’est-ce que voir avec les technologies de l’information à échelle globale ? Comment se fabrique le point de vue avec l’appareillage numérique et par le réseau mondial ? Et que voit-on ? Les technologies, qui augmentent, ou diffèrent, cette vue à la mesure de l’homme, sont des appareils de vision, qui se sont modifiés dans l’histoire et selon les époques et les développements de la technique.

Je propose ici un essai d’analyse sur la fabrication du point de vue via les appareils que sont les webcams, à travers quelques œuvres, ou fictions, pour les situer dans une histoire des arts et des technologies, à la croisée du poétique et du social.

L’objet critique en serait : singulariser le point de vue, le déprendre de sa technicité standardisée et de l’automatisation programmatique, pour le reprendre en main, tout comme le pinceau, qui fut un prolongement des doigts, mais aussi de l’œil. Et de l’esprit.

 

WEBSTER Christine, compositrice, sound designer, chercheure associée EnsadLab, Paris

L’évolution de l’image numérique au service des pratiques du son. De la virtualisation du studio d’enregistrement à la spatialisation 3D

Avant l’ère du tout numérique il n’y avait pas de représentation graphique du son dans un studio. Les laboratoires scientifiques d’acoustique et de musique possédaient des appareils d’analyse du spectre sonore, des oscilloscopes …  ces dispositifs mis à part, l’ingénieur du son radiophonique ou de studio de production musicale ainsi que plus tardivement celui de post-production, travaillait en aveugle.

Le son mis en onde était invisible, fantomatique, par la suite le son couché sur la bande magnétique était audible mais toujours pas visible « corporellement ».

Le retour visuel était donné pour l’essentiel par la table de mixage, équipée piste par piste d’un dispositif fait de bouton rotatifs et de poussoirs qui permettaient de traiter l’équalisation du signal, son placement dans l’espace de projection sonore, son taux de réverbération et le contrôle du volume. L’intensité du signal était visible sur la console par l’intermédiaire des vu-mètre, un système d’aiguille oscillante.

En 1991 apparait une des premières digital audio workstation, Protools, développé par Digidesign. Cette application va  révolutionner la pratique sonore en studio, tout d’abord en virtualisant entièrement le principe du studio d’enregistrement. La console devient une image graphique numérique affichée sur l’écran de contrôle de l’ordinateur, manipulable à l’aide d’une souris. Mais surtout le son devient enfin visible, piste par piste sur une time line. Depuis lors, le son est devenu un objet virtuel autonome, un fichier audio, plastique, dont on peut modifier le contenu et analyser la structure interne avec précision.

Nous voulons à travers cette présentation montrer comment l’évolution de l’image numérique a directement impacté depuis les années 90 la modification du geste sonore et favorisé la création de nouvelles pratiques de composition et de production dans le domaine audio-visuel.